L’Expresso – McKinley at Home, Canton, Ohio (1896)

Le premier président des États-Unis à apparaître en film !

En ce 20 janvier 2021, Joe Biden est officiellement devenu 46ème président des États-Unis d’Amérique. Les images de son investiture spectaculaire et inhabituelle – pandémie oblige – ont fait le tour du monde, et marquent donc le début d’une présidence sous l’œil des caméras. Cependant, l’Amérique n’est pas débutante en matière de filmer ses dirigeants ; c’est une tradition presque aussi vieille que le cinéma lui-même, car le tout premier président américain à apparaître sur pellicule, c’est William McKinley, en septembre 1896, dans McKinley at Home, Canton, Ohio !

Son nom ne te dit sûrement rien, mais William McKinley, c’est le 25ème président des États-Unis. Vétéran de la guerre de Sécession, il mène sa carrière politique en étant élu à la Chambre des Représentants puis nommé gouverneur de son état natal, l’Ohio, avant de se présenter en tant que candidat républicain aux élections de 1896, qu’il remporte. Sa présidence est marquée par une forte croissance économique et des mesures protégeant le travail des ouvriers, ainsi que de grandes manœuvres géopolitiques : c’est en effet sous son mandat que les États-Unis annexent Hawaï, Porto Rico, Guam et les Philippines – elles-seules obtiendront plus tard leur indépendance.

Dans McKinley at Home, il n’est en réalité pas encore élu. Le film est tourné dans sa demeure de la ville de Canton, dans l’Ohio, par des opérateurs de la compagnie American Mutoscope, fondé par William K. L. Dickson (celui-là même qui avait bâti les prémisses du 7ème Art aux côtés de Thomas Edison, avec les Monkeyshines). Nous sommes en septembre 1896, deux mois avant les élections présidentielles qui se tiennent traditionnellement en novembre, mais moins d’un an après la naissance officielle du cinéma, le 28 décembre 1895 (!).

Le candidat McKinley reçoit ici par courrier sa nomination officielle du Parti Républicain, des mains de George Cortelyou, son secrétaire personnel. L’évènement est une reconstitution, pour les caméras, le futur président ayant en réalité reçu la lettre plusieurs semaines auparavant. Le film trahit d’ailleurs la toute nouveauté du cinéma, rendue évidente par l’artificialité des gestes des acteurs improvisés – l’épongement de front de McKinley, notamment, démontre qu’il ne sait pas encore très bien comment se comporter face à une caméra, en dépit d’une tentative de naturel. C’est pourtant là ce qui fait tout l’intérêt de ce document historique ! Par ailleurs, les spectateurs les plus attentifs pourront apercevoir en arrière-plan une sorte de tache noire en mouvement : c’est la femme du candidat républicain se balançant sur un rocking-chair, Ida.

Il n’est pas anodin que McKinley soit le premier président américain à apparaître sur pellicule, même si le hasard historique y est pour beaucoup. Considéré comme un président moderne, il serait également le premier à monter dans une voiture, et entamerait les discussions pour la construction du canal de Panama. Il continuerait à être filmé tout au long de son mandat, les actualités mettant en scène un président constituant un spectacle de choix pour le public de l’époque. Ses films les plus notables sont ceux de ses investitures, parfois en compagnie de son double prédécesseur, Grover Cleveland (Ce dernier a effectué deux mandats non-consécutifs, ce qui fait de lui à la fois le 22ème et 24ème président des États-Unis, et par conséquent le plus ancien président à avoir été filmé).

En 1900, il est réélu pour un second mandat mais n’aura pas le temps d’en récolter les fruits. À peine quelques mois après sa seconde investiture en 1901, il est abattu de deux balles dans l’abdomen par un anarchiste, lors de l’Exposition Pan-Américaine de Buffalo, dans l’état de New York. Les caméras l’avaient encore filmé la veille, et filmeront bien sûr son cortège funèbre. Il devient le troisième président des États-Unis à être assassiné, après Abraham Lincoln et James Garfield – et avant Kennedy, une liste funeste évoquée dans Jackie.

Les historiens considèrent William McKinley comme un bon président, qui a amené à l’Amérique une certaine prospérité et l’engagea sur la voie de la modernité pour le XXème siècle. McKinley at Home est une petite actualité sans prétention, mais malgré tout un témoignage historique autant sur un important président de l’histoire des États-Unis que sur les premiers pas du cinéma. L’héritage de McKinley sera malheureusement pour beaucoup éclipsé à cause de l’immense succès de son successeur : un certain Théodore Roosevelt…

Petite leçon d’histoire.

— Arthur

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