King Kong – Roi des monstres

De Skull Island à New York, le voyage iconique du premier des monstres géants.

Quelque part au large de Sumatra gît une île mystérieuse que n’aurait pas reniée Jules Verne. Là, latitude 12° Sud, longitude 78° Est, enveloppé dans une épaisse nappe de brouillard, un monde perdu attend, peuplé de créatures fantastiques, de lézards terribles et d’araignées géantes. Un monde où seul règne en maître le roi King Kong.

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Le petit avion va atterrir !

KING KONG

Réalisateur : Merian C. Cooper, Ernest B. Schoedsack

Acteurs principaux : Fay Wray, Robert Armstrong

Date de sortie : 29 septembre 1933 (France)

Pays : États-Unis

Budget : 672 000$

Box-office : 5,3 millions $

Durée : 1h40

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Un King Kong. Deux Kings Kong. Trois Kings Kong. Quatre…

UN NOUVEAU MONDE PERDU

Ah, King Kong. À l’instar de Godzilla, tout le monde connaît le monstre, mais plus rares sont ceux qui ont vraiment vu le film original. Pourtant, il a fortement marqué les années 1930 en étant le plus gros succès de 1933, et le 6ème classé au box-office de la décennie entière, derrière des mastodontes tels Blanche-Neige et les Sept Nains, Autant en Emporte le Vent ou encore Le Magicien d’Oz. Et puis surtout, on lui doit la naissance du genre des films de monstres géants, puisque c’est sa rediffusion au début des années 50 qui a inspiré Le Monstre des Temps Perdus, qui lui-même a lancé la vague cinématographique qui a balayé les années 50 et 60.

Le réalisateur Carl Denham (Robert Armstrong), accompagné de sa toute nouvelle actrice Ann Darrow (Fay Wray), monte une expédition secrète vers une île n’apparaissant sur aucune carte, dont la direction lui a été indiquée par l’unique rescapé d’un naufrage dans la région. Là-bas, au pied de la montagne en forme de crâne, il s’attend à rencontrer monts et merveilles pour un film comme personne n’en a jamais vu. Il espère aussi croiser la route du fabuleux roi Kong, monstre géant des légendes locales, qui lui assurerait sans aucun doute richesse et prospérité. Mais le film d’aventure étant ce qu’il est, tout ne va pas exactement se passer comme prévu.

Si King Kong est globalement reconnu comme le premier film de monstres géants – et il l’est, techniquement – ce n’est qu’à une approximation près : celle de ne pas prendre en compte les dinosaures. Car, même si ce ne sont pas des monstres à proprement parler étant donné qu’ils ont réellement existé, les lézards terribles partagent tout de même toutes les caractéristiques des créatures des films du genre. Et justement, King Kong possède de nombreuses réminiscences avec le film muet de 1925 Le Monde Perdu, avec son équipe d’aventuriers qui part à la découverte d’un territoire inexploré peuplé d’animaux préhistoriques, avant d’en ramener un dans une grande ville sous l’égide du professeur Challenger avec lequel Denham a une furieuse ressemblance, dans son caractère d’explorateur sûr de lui et avide de spectacle.

Pour autant, le point commun le plus frappant entre les deux films restera le travail incroyable du génial Willis O’Brien aux effets spéciaux, maître incontesté de l’animation image par image (ou stopmotion) à Hollywood. Ses créatures sont fascinantes ; des modèles métalliques d’une grande finesse, recouverts de cuir, de caoutchouc et de fourrure, donnant un charme désuet à l’ensemble. On s’émerveille encore 86 ans après devant les stégosaures, brontosaures et autres tyrannosaures, devant l’immensité de King Kong, mais surtout devant la qualité et la précision du travail des animateurs, qui devaient reconstituer le mouvement des bestioles image par image, 24 photographies par seconde. Un travail invisible la plupart du temps, mais perceptible à travers les discrètes imperfections de la fourrure du grand singe – un détail que les animateurs considéraient comme un échec, montrant les endroits où ils avaient posé les mains pour bouger les modèles, pourtant félicité par les producteurs qui y voyaient les effets du vent et donc un effet de réalisme ajouté ! On tient là l’apogée de la carrière d’O’Brien, qui se sert de toutes les techniques qu’il a mises au point et peaufinées depuis son Ghost of Slumber Mountain en 1918 et Le Monde Perdu en 1925, atteignant un niveau inégalé d’effets spéciaux mêlant sur une même pellicule acteurs réels et monstres de bric et de broc.

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Ouh, le vilain lézard !

FAY WRAY, LA HUITIÈME MERVEILLE DU MONDE

La raison pour laquelle Denham embauche Ann Darrow dans le film, c’est parce que ses producteurs veulent plus de romance dans ses films d’aventure, une plus forte présence féminine pour attirer le public – incidemment, c’est exactement la même raison pour laquelle le réalisateur Merian C. Cooper a fait de la merveilleuse Fay Wray son actrice principale.

S’il est attribué à Kong à l’origine, elle mérite tout autant le titre de huitième merveille du monde. Par sa beauté, son charme et son innocence, elle apporte au film un attrait non négligeable. De plus, grâce au contraste entre « la belle et la bête » constamment rabâché au cours du long-métrage, King Kong apparaît d’autant plus monstrueux qu’elle est jolie, d’autant plus sombre qu’elle est blonde, d’autant plus brutal qu’elle est gracile. Les deux personnages existent par antithèse, et même si le titre ne glorifie que le monstre, Fay Wray est tout autant que lui l’attraction du film. Et soudain, un cri retentit.

« ANN – AAAAAAAAAAH ! »

À travers son rôle iconique, l’actrice est devenue un véritable symbole : c’est la mère des scream queens. Le stéréotype de la jeune femme victime du méchant, incarnation sur grand écran de la demoiselle en détresse, instaurant un paradigme de cinéma pour beaucoup des héroïnes de films de monstres et d’horreur dont la moitié des dialogues se compose de cris suraigus. Janet Leigh dans Psychose et Kate Capshaw dans Indiana Jones et le Temple Maudit, pour ne citer qu’elles, doivent tout à Wray qui était la toute première représentante du genre.

Symbole, elle se le fait également du sexisme ordinaire du XXème siècle – tout comme Véra Clouzot 20 ans plus tard dans Le Salaire de la Peur. Autre temps, autres mœurs. Une époque où Kong peut se permettre d’arracher la robe d’une jeune femme, où le second du navire peut la gifler, et où le réalisateur peut lui demander des poses sensuelles sur le pont d’un bateau. Une époque où les hommes ne se comportent pas mieux que le singe, et réciproquement.

Bonjour vous.

MONSTRE DE LÉGENDE

« VIEUX PROVERBE ARABE – Et le prophète dit : Alors, la bête regarda le visage de la belle et la belle immobilisa sa main. Et depuis ce jour, la bête devint comme morte. »

Un bien beau proverbe, sur lequel s’ouvre King Kong, et qui illustre parfaitement l’intrigue du film. À ceci près que ce n’est absolument pas un proverbe, qu’il n’est certainement pas arabe et encore moins vieux, puisqu’il a été complètement inventé par Cooper. Cependant, il est le premier des éléments qui contribuent à la légende de Kong.

Les quarante-deux premières minutes du film, jusqu’à la première apparition spectaculaire du monstre éponyme, ne sont qu’une montée progressive de l’attente des spectateurs, nourrie par l’établissement constant d’un folklore légendaire qui entoure la bête et son habitat, Skull Island, d’une superbe aura de mystère. La première fois qu’il est mentionné, c’est par Denham en ces mots : « Avez-vous déjà entendu parler de Kong ? », qui piquent notre curiosité et nous donne l’envie d’en savoir plus. La découverte ensuite de Skull Island nappée dans le brouillard et de la cérémonie des indigènes rajoute à cela une dimension mystique, presque religieuse – exactement de la même façon qu’on attend avec impatience le lever de rideau quand la bête est ramenée à New York. Tout ceci participe du sens de l’émerveillement du public, pour qui la révélation de Kong, d’abord sur l’île puis en Amérique, agit comme un double climax où nos attentes sont enfin récompensées par cette créature extraordinaire.

Le singe sort du lot grâce à ce cérémonial, et se différencie par là-même d’autant plus des autres créatures pourtant, argumentablement, tout aussi fantastiques : le stégosaure, le brontosaure, le ptéranodon, le T-Rex, et même le lézard sans pattes arrières qui n’apparaît que quelques secondes à l’écran et qui inspirera des décennies plus tard les abominables Skull Crawlers de Kong : Skull Island en 2017. Mais aucune de ces bêtes ne bénéficie de ce traitement mystique ; les aventuriers réagissant à la vision d’un dinosaure comme on réagirait à la vision d’un chat traversant la rue.

Après son apparition mémorable, King Kong continue d’affirmer sa supériorité grâce aux nombreux combats qu’il mène – et gagne – contre les autres monstres de l’île, entre autres le dinosaure serpentiforme, le ptéranodon et bien évidemment le tyrannosaure, livrant alors un des duels les plus iconiques de l’histoire du cinéma, la scène la plus connue du film aux côtés de celle au sommet de New York, sur la pointe de l’Empire State Building. Sa chute sera à l’égal de sa puissance, appuyant définitivement son statut légendaire.

Une légende qui dépasse d’ailleurs largement les limites de la pellicule. King Kong est devenu avec le temps lui-même sujet de nombreux mythes et anecdotes épatantes. Par exemple, on sait que le 8 août 2004, lorsque Fay Wray est décédée, la télévision de la salle d’urgence à côté de laquelle elle était prise en charge diffusait nul autre film que King Kong ! Plus intéressant encore, on parle énormément d’une séquence surnommée « Le Ravin aux Araignées » (« Spider Pit » en anglais), sensée intervenir dans le film après que la plupart des explorateurs est balancée du haut d’un ravin par le grand singe, les envoyant choir plusieurs mètres plus bas, où un troupeau de bestioles infâmes – crabe, araignée, lézard sans pattes arrières ou encore croisement terrifiant entre un arachnide et une pieuvre – les attend pour les dévorer. Problème : cette scène légendaire n’a peut-être jamais existé ! Selon les rares témoignages, elle aurait été coupée directement après la première projection du film, pour des raisons imprécises. D’aucuns prétendent qu’elle était trop effrayante, d’autres trop ridicule, d’autres encore trop lente. Mais le problème est que, si tant est qu’elle ait réellement été filmée, rien ne subsiste de cette scène, menant les amateurs du genre à spéculer depuis des décennies sur sa nature et la raison de sa disparition. En 2005, Peter Jackson, alors réalisateur d’un remake du film, a dévoilé son interprétation personnelle de la séquence du Ravin aux Araignées, consacrant ainsi l’imagination de ceux qui rêvent de la voir resurgir un jour.

Mais c’est pas fini Billy ! Tu me diras, mais comment peut-on faire mieux qu’une scène perdue qui n’a supposément jamais existé ? Tiens ma bière. Vers le milieu du film, on assiste à une scène où les aventuriers, traversant tant bien que mal un lac à bord d’un radeau de fortune, sont attaqués par une créature démesurée qui se révèle être un brontosaure. Une créature au long cou, que l’on aperçoit d’abord au loin dans le brouillard, tout le bas de son corps baignant dans l’eau trouble. Une description étrangement semblable à celle qui a été faite, en premier, par un certain George Spicer seulement quelques mois après la sortie du film, d’une bête mystérieuse qui fut prise en photo en 1934… Ça ne te rappelle rien ?

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Tin tin TIN !

Et oui, selon la légende, on doit aussi à King Kong la naissance du mythe du monstre du Loch Ness, grâce à, ou à cause d’une scène assez marquante qui, quand on la revoit aujourd’hui même sans avoir connaissance de l’anecdote, fait immédiatement penser au monstre écossais.

Preuve ultime, s’il en fallait, que le singe géant est une légende autant sur l’écran qu’en dehors, et que même si Godzilla s’est autoproclamé tel avec la version rééditée américaine de 1956, puis Godzilla II en 2019, c’est bien King Kong le véritable roi des montres. Après tout, c’est lui qui gagne leur duel dans King Kong vs. Godzilla, non ?

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HOLD THE DOOR !

LE MOT DE LA FIN

King Kong est un film mémorable, iconique et légendaire, pionnier des effets spéciaux des années 30, et précurseur des films de monstres géants vingt ans avant leur essor ! Un chef-d’œuvre du 7ème Art, tout simplement.

Note : 8,5 / 10

« DENHAM – La belle a tué la bête. »

JE SUIS LE ROI DES MOOOOOONSTRES !

— Arthur

Tous les gifs et images utilisés dans cet article appartiennent à RKO Pictures, et c’est très bien comme ça

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