Quelques films importants.
Salut Billy et joyeuses Pâques à toi ! J’espère qu’en dépit de la pandémie de coronavirus qui afflige le monde entier, tu as pu avoir tes petits chocolats et profiter de ton dimanche. Mais Pâques, c’est aussi et surtout la résurrection de Jésus Christ pour la religion chrétienne ! Justement, soyons aujourd’hui un peu spirituels ; pour enchaîner après la messe du Pape en streaming, pourquoi ne pas visionner un film recommandé expressément par le Vatican ?
« Nous avons constaté que les chefs-d’œuvre de l’art cinématographique peuvent être de véritables moteurs de réflexion pour l’esprit humain, capables de traiter en profondeur de sujets de grande importance et signification, d’un point de vue éthique et spirituel. »
– Jean-Paul II, Adresse à l’Assemblée Plénière du Conseil Pontifical pour les Communications Sociales, 1995
En 1995, pour fêter le centenaire officiel du cinéma – les 100 ans de la projection de La Sortie de l’Usine Lumière à Lyon – le Conseil Pontifical pour les Communications Sociales, à l’initiative du pape Jean-Paul II, grand cinéphile devant l’Éternel, a dévoilé une liste de films connue communément sous le nom de Liste du Vatican. Quarante-cinq films, datant de 1903 à 1993, venant de tous les coins du monde, couvrant un large éventail cinématographique allant du drame au péplum en passant par l’animation, le western, la science-fiction ou même l’horreur (!). Plus intéressant, surtout, ils sont répartis en trois catégories, Religion, Valeurs et Art, qui nous permettent d’en comprendre un peu plus sur le lien entre le cinéma et la foi.
RELIGION
La liste Religion est exactement ce que l’on s’attendrait à trouver dans une liste de films compilée par le Vatican. Ce sont des films qui abordent frontalement le sujet de la foi, à travers des épisodes bibliques (La Vie et la Passion de Jésus-Christ, L’Évangile selon Saint-Matthieu…), la vie des saints (Jeanne d’Arc dans La Passion de Jeanne d’Arc, François d’Assise dans Les Onze Fioretti et Francesco…) ou encore les réflexions philosophiques de simples croyants (Le Sacrifice, La Parole…). Ces œuvres sont les fleurons du cinéma spirituel, des longs-métrages profonds comme autant d’enseignements sur Dieu et ses hommes, qui s’adressent directement à l’âme du spectateur. Mais elles peuvent aussi être éprouvantes et complexes, appelant à un engagement complet de l’esprit pour en percevoir toutes les lumières ; c’est la Foi avec un grand F, imprimée sur pellicule.
Andreï Roublev, Andreï Tarkovski, 1969
Ben-Hur, William Wyler, 1959
Francesco, Liliana Cavani, 1989
La Parole, Carl T. Dreyer, 1955
La Passion de Jeanne d’Arc, Carl T. Dreyer, 1928
La Vie et la Passion de Jésus Christ, Ferdinand Zecca & Lucien Nonguet, 1903
Le Festin de Babette, Gabriel Axel, 1987
Le Sacrifice, Andreï Tarkovski, 1986
Les Onze Fioretti de François d’Assise, Roberto Rossellini, 1950
L’Évangile selon Saint-Matthieu, Pier Paolo Pasolini, 1954
Mission, Roland Joffé, 1986
Monsieur Vincent, Maurice Cloche, 1947
Nazarín, Luis Buñuel, 1958
Thérèse, Alain Cavalier, 1986
Un Homme pour l’Éternité, Fred Zinnemann, 1966
VALEURS
Mais la foi cinématographique ne s’arrête pas aux films religieux – et c’est là que ça devient intéressant. Dans la liste Valeurs, le Vatican reconnaît que des œuvres ni explicitement chrétiennes, ni réalisées par des croyants, peuvent nous transmettre l’exemple de vertus défendues par l’Église – la compassion, la charité, l’altruisme, la paix, l’espoir… Ce sont autant d’histoires dont on peut tirer une morale positive, comme les paraboles des évangiles, que ce soit à travers notre lien avec des héros comme Pina (Rome, ville ouverte) ou Oskar Schindler (La Liste de Schindler), ou à travers la dénonciation du mal via sa représentation (Intolérance).
« Même lorsqu’il scrute les plus obscures profondeurs de l’âme ou les plus bouleversants aspects du mal, l’artiste se fait en quelque sorte la voix de l’attente universelle d’une rédemption. »
– Jean-Paul II, Lettre aux Artistes, 1999
Tous ces films nous invitent et nous incitent à devenir meilleurs, et démontrent que la foi peut être touchée partout où il y a du bon.
Au Revoir, les Enfants, Louis Malle, 1987
Dersou Ouzala, Akira Kurosawa, 1974
Gandhi, Richard Attenborough, 1982
Intolérance, D. W. Griffith, 1916
La Harpe de Birmanie, Kon Ichikawa, 1956
La Liste de Schindler, Steven Spielberg, 1993
L’Arbre aux Sabots, Ermanno Olmi, 1978
La Vie est Belle, Frank Capra, 1946
Le Décalogue, Krzysztof Kieslowski, 1987
Le Septième Sceau, Ingmar Bergman, 1957
Les Chariots de Feu, Hugh Hudson, 1981
Les Fraises Sauvages, Ingmar Bergman, 1957
Le Voleur de Bicyclette, Vittorio de Sica, 1948
Rome, ville ouverte, Roberto Rossellini, 1945
Sur les Quais, Elia Kazan, 1954
ART
Et puis il y a la liste Art. Mais pourquoi donc le Vatican recommande-t-il des films de science-fiction (2001, Metropolis), un western (La Chevauchée Fantastique), un film surréaliste (Huit et Demi) ou encore un film d’horreur (Nosferatu) ? Et bien pour affirmer que, au delà des œuvres religieuses, au delà-même des œuvres vertueuses, l’Art lui-même, avec un grand A, est un vecteur de foi. Car l’art rend tangible l’intangible, le cinéma nous initie à la beauté à travers ses images et nous touche droit au cœur, croyant ou non.
« La beauté est en un certain sens l’expression visible du bien […]. Parce qu’il est recherche de la beauté, fruit d’une imagination qui va au-delà du quotidien, l’art est, par nature, une sorte d’appel au Mystère. »
– Jean-Paul II, Lettre aux Artistes, 1999
L’art, somme toute, nous fait contempler ce qui dépasse nos propres sens, quelque chose de plus grand que la simple matière qui le constitue – avec la foi, contempler la beauté, toute beauté, c’est toucher du doigt le divin. Et quel plus bel art que le cinéma ?
2001, l’Odyssée de l’Espace, Stanley Kubrick, 1968
Citizen Kane, Orson Welles, 1941
De l’Or en Barres, Charles Crichton, 1951
Fantasia, Disney, 1940
Huit et Demi, Federico Fellini, 1963
La Chevauchée Fantastique, John Ford, 1939
La Grande Illusion, Jean Renoir, 1937
La Strada, Federico Fellini, 1954
Le Guépard, Luchino Visconti, 1963
Le Magicien d’Oz, Victor Fleming, 1939
Les Quatre Filles du Docteur March, George Cukor, 1933
Les Temps Modernes, Charlie Chaplin, 1936
Metropolis, Fritz Lang, 1927
Napoléon, Abel Gance, 1927
Nosferatu, F. W. Murnau, 1922
Bien sûr, la liste du Vatican n’est pas une liste exhaustive, ni parfaite. On y trouve les trois films préférés du Pape François, un dans chaque catégorie (Le Festin de Babette en Religion, Rome, ville ouverte en Valeurs et La Strada en Art) ; mais ce n’est pas pour autant un top 45. Non, ce sont simplement « Quelques films importants » – le véritable titre de la liste – choisis lors d’un évènement ponctuel et reconnus pour leur aspect religieux, valeureux ou artistique.
On pourrait y ajouter bien d’autres films, surtout en considérant qu’elle fête déjà ses 25 ans. Par exemple, Des Hommes et des Dieux ou le Silence de Scorsese dans la liste Religion, ou encore La Nuit du Chasseur pour son inégalable illustration de la lutte entre le Bien et le Mal dans la liste Valeurs… Et combien de films se qualifieraient pour la liste Art ? Pour ma part, si je devais ajouter un film dans les listes Religion, Valeurs et Art, ce serait respectivement Jeanne d’Arc de Georges Méliès pour sa beauté primitive et sa dépiction silencieuse de la foi, Sur le Chemin de la Rédemption de Paul Schrader pour son questionnement extrêmement profond sur l’écologie et les tourments de la spiritualité, et Sans Soleil de Chris Marker parce que c’est pour moi le film qui capture le mieux ce qu’est l’essence-même de la beauté.

En définitive, la liste du Vatican est un véritable plaidoyer pour l’art, une déclaration d’amour au cinéma de la part de l’Église, pour exhorter les croyants à contempler la foi partout où le cinéma nous révèle une idée de l’indécelable. « La beauté sauvera le monde », écrivait Dostoïevski. Peut-être aujourd’hui, plus que jamais, avons nous besoin de cette beauté.
— Arthur
Superbe article Arthur.
Je ne connaissais pas cette liste mais je constate qu’elle comporte quelques essentiels qui manquent à ma culture. J’aurais volontiers ajouté quelques œuvres d’un continent oublié, Timbuktu par exemple.
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Moi-même suis très loin d’avoir tout vu, mais je dois admettre qu’il m’arrive d’y piocher quelques idées de visionnage. C’est d’ailleurs comme ça que j’avais pu découvrir Mission, ou La Parole de Dreyer !
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Je ne connaissais pas ce Dreyer. A découvrir j’imagine ?
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Une référence dans le style contemplatif, mais ma foi (c’est le cas de le dire) j’ai été moyennement convaincu par La Parole. L’esthétique est savamment travaillée, j’aime beaucoup la scène sur les dunes (l’image que j’ai associée au film dans la liste), mais au delà de ça j’ai trouvé le temps long, trèèèèès long. Il me tarde tout de même de découvrir sa Passion de Jeanne d’Arc, qui est, dit-on, un chef d’oeuvre de cinéma spirituel inégalé !
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Celui-là je l’ai vu, et même en ciné concert à l’orgue dans la cathédrale de Laon.
Long et douloureux moment de cinéma sur des chaises inconfortables et par un froid rendu polaire sous les voûtes de la nef. Toute la gageure consiste à entrer en communion de souffrance avec la Sainte martyre. Je ne sais pas si je te l’ai bien vendu là du coup. 😉
La photo dans La Parole, sur les dunes, ça m’a rappelé Ordet.
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Haha, on verra bien ce que ça donne 😀
Normal que ça rappelle Ordet, c’est Ordet x) La Parole c’est son titre français !
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Ah d’accord !
J’ignorais totalement ce titre français. Du coup je connais. 😁
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